En fuyant les balles des gangs à Gressier, les marchands ont trouvé refuge sur les berges fragiles de la rivière Momance. Mais à l’approche de la saison cyclonique, une autre menace les guette : le glissement de terrain.
Déjà un an depuis que la commune de Gressier s’est retrouvée sous la coupe de bandits lourdement armés. Les rafales ont remplacé les cris des vendeuses, et les allées du marché sont devenues des terrains à l’abandon. Pris au piège entre la peur et la misère, les commerçants de Gressier ont dû fuir. Leur seule alternative : improviser un nouveau marché à Brache.
Mais ce n’était qu’une étape.
D’abord installés à la va-vite sur les trottoirs de la route nationale, ces commerçants ont occupé l’espace au mépris du danger, vendant leurs produits entre les klaxons, les échappements, et les risques constants d’accidents. Face à la pression des autorités et à l’insécurité persistante, ils ont fini par se déplacer une nouvelle fois. Aujourd’hui, le marché s’est réimplanté à l’entrée de Biré et de Neply, tout au long de la rivière Momance, surnommée localement “Do Bèj”.
Un répit ? Pas vraiment.
La zone est instable, glissante, imprévisible. Chaque année, à l’approche de la saison pluvieuse, les berges de la rivière s’érodent, les terrains s’effondrent petit à petit. Ce site est connu pour ses éboulements fréquents, aggravés par l’absence d’aménagements et l’occupation anarchique.
Et pourtant, ils restent.
Ils restent parce qu’ils n’ont nulle part où aller. Parce qu’il faut nourrir les enfants. Parce que l’État est absent. Parce que l’insécurité ailleurs est pire que le danger ici. Mais ce nouveau marché n’a rien d’un progrès. C’est une survie bancale, un choix par défaut, un entre-deux tragique entre les tirs et les torrents.
Les autorités locales sont-elles au courant ? Oui. Mais comme souvent, entre connaissance du risque et action concrète, il y a un gouffre. Un gouffre que ces commerçants remplissent chaque jour de sueur, d’ingéniosité, et de peur.
La réimplantation du marché à Brache est l’illustration d’un pays qui fonctionne par débrouillardise plutôt que par planification. Tant que l’insécurité continue d’étouffer des zones comme Gressier, et tant que les autorités ferment les yeux sur les réalités du terrain, les plus vulnérables resteront piégés. Ce n’est plus une crise passagère. C’est un système à bout de souffle.
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